Les amphibiens et les reptiles : des sentinelles des pratiques agricoles

 

Les amphibiens et reptiles ne produisent pas de chaleur et leur température varie selon les conditions thermiques du milieu (ectotherme). Ils sont donc très dépendants de la structure de l’habitat et des microhabitats (qualité thermique et hydrique). Les amphibiens ont également un cycle de vie incluant la présence d’habitats terrestres et aquatiques de reproduction (mares par exemple). Si l’un des deux éléments vient à manquer, ils sont incapables de boucler leur cycle de vie. Ces deux groupes sont également particulièrement sensibles à différents agents d’agressions, tels que les pollutions agricoles (pesticides…). Leurs capacités de déplacement et de dispersion sont généralement très limitées et renforcent leur sensibilité. Ce dernier aspect va conditionner la persistance d’une espèce vivant dans un milieu dégradé. En effet, suite à une perturbation de l’habitat, il sera impossible aux individus de se déplacer sur de longues distances afin de trouver de nouveaux milieux d’accueil. L’écocomplexe bocager, par la diversité des milieux présents, est donc particulièrement favorable à ces deux groupes. L’hétérogénéité du paysage permet de fournir à l’ensemble de ces espèces des conditions favorables à leur maintien.

 

Les travaux de recherche

Les travaux conduits dans le département des Deux-Sèvres montrent l’importance de la qualité de l’habitat et aussi du paysage sur le nombre d’espèces observées. Chez les amphibiens, la densité en mares, les petits boisements et les linéaires de haies importants (>200 m/ha) ont des effets positifs sur plusieurs espèces. Au contraire, une prédominance des cultures et un important linéaire de route dans le paysage ont une influence négative sur la richesse en amphibiens. La présence de microhabitats favorables est également essentielle. Ainsi le recouvrement en végétation aquatique dans les mares influence positivement le nombre d’espèces présentes. Une étude génétique a permis de tester l’effet du paysage sur les populations de triton marbré. Les résultats montrent que la diversité génétique est influencée positivement par le nombre de mares tandis qu’une prédominance de culture a une influence négative. Cette dernière composante affecte également négativement le flux génétique et la connectivité. La dispersion chez cette espèce est plus facile dans le Nord du département du fait du maillage bocager alors que les populations sont isolées dans le Sud, le bocage étant plus dégradé.Une étude de télémétrie chez la grenouille rousse a mis en avant que cette espèce utilise les ruisseaux associés aux haies comme corridors de déplacement. Dans cette région, l’espèce est étroitement associée aux boisements situés en périphérie des sites de reproduction, comme les prairies inondables, et distants de quelques centaines de mètres.

 

Pour les reptiles, un travail mené sur un réseau de 140 haies réparties dans 25 exploitations agricoles a permis d’identifier des variables structurantes de la haie qui influencent la richesse spécifique. Ainsi, un ourlet herbacé en pied de haie, supérieur à un mètre de largeur, est l’une des composantes les plus importantes. Celui-ci influence positivement la richesse spécifique, de même que les probabilités de présence de la vipère aspic, de la couleuvre verte et jaune, de la couleuvre helvétique et du lézard des murailles. La présence d’un talus exposé au soleil influence positivement la probabilité de présence du lézard à deux raies. L’existence de caches (pierriers, bois mort) est favorable au lézard des murailles, tandis que la largeur et la hauteur de la haie vont influencer la présence de la couleuvre d’Esculape. Ces données suggèrent que plusieurs variables structurelles de la haie jouent un rôle fonctionnel important pour les reptiles. La densité du maillage de haies est une composante qui influence la richesse spécifique en reptiles. Par exemple, une densité élevée en haies (> 250 mètres linéaires par hectare) est associée à une richesse spécifique moyenne supérieure à trois espèces, soit une valeur 2,5 fois plus élevée qu’avec une faible densité en haies de l’ordre de 60 mètres linéaires par hectare.

 

Des suivis conduits entre 1994 et 2015 sur la vipère péliade et le lézard à deux raies dans le département de la Loire Atlantique (commune de Bouvron) montrent toute l’ampleur de l’impact de la dégradation des paysages bocagers sur les reptiles. Sur la zone d’étude, les deux espèces étaient bien représentées et fortement associées aux haies en début d’étude. Sur une période de 20 ans un déclin massif a été observé de 90 % pour la vipère et 74 % pour le lézard. Cette évolution est étroitement liée à la conversion vers un modèle agricole intensif (grande culture) et l’entretien mécanique et brutal des haies (épareuse hydraulique).